Corneille et la Tragédie : Un Examen Modèle pour Étudiants

Niveau : Première année universitaire (Licence 1 Lettres, Humanités)
Objectif : Comprendre les spécificités de la tragédie cornélienne, ses enjeux et savoir construire une analyse argumentée.

Questions et Réponses (Pour vérifier ses connaissances)

Q1 : Qui est Pierre Corneille ?
R1 : Un dramaturge français du XVIIe siècle (1606-1684), considéré comme l'un des plus grands auteurs classiques. Il est surtout célèbre pour ses tragédies comme Le Cid, Cinna ou Horace.

Q2 : Qu'est-ce que la règle des trois unités ?
R2 : Une règle fondamentale du théâtre classique français :

Unité d'action : Une intrigue principale, sans sous-intrigues.
Unité de temps : L'action doit se dérouler en 24 heures.
Unité de lieu : L'action doit se situer en un seul lieu.

Q3 : Qu'est-ce que la bienséance ?
R3 : Une règle qui impose que ce qui est représenté sur scène doit être conforme aux convenances et à la morale du public de l'époque (pas de violence physique explicite, pas de vulgarité).

Q4 : Quelle est la différence fondamentale entre la tragédie cornélienne et la tragédie racinienne ?
R4 : Schématiquement, chez Corneille, le héros est maître de son destin et fait un choix héroïque (ex: Rodrigue dans Le Cid). Chez Racine, le héros est victime de ses passions et est conduit inexorablement vers son destin funeste (ex: Phèdre dans Phèdre). Corneille montre des hommes plus grands que nature, Racine des hommes naturels.

Questions de Critique et d'Évaluation d'Opinion

Pensez-vous que les héros de Corneille, par leur volonté surhumaine, sont finalement moins "humains" et donc moins touchants pour un public moderne ? Cette distance héroïque nuit-elle à la portée universelle de ses pièces ?
- Piste : On peut argumenter que leur lutte contre eux-mêmes parle justement de l'effort humain pour se dépasser. Leur inhumanité apparente est le prix de leur idéal.
La glorification de la gloire et de l'honneur chez Corneille est-elle une leçon de morale ou une fascination dangereuse pour des valeurs potentiellement destructrices ?
- Piste : Dans Horace, le héros tue sa sœur pour la patrie. La pièce ne donne pas une réponse simple ; elle expose le conflit et invite le public à en débattre.
Les pièces de Corneille respectent-elles les règles classiques par adhésion ou par contrainte ? Son génie réside-t-il dans la maîtrise des règles ou dans la manière de les dépasser ?
- Piste : Le Cid a provoqué une querelle car il transgressait certaines bienséances. Corneille utilise les règles comme un cadre pour concentrer la tension dramatique.

Questions d'Analyse d'Opinion et d'Arguments

Un critique affirme : "Corneille n'écrit pas des tragédies, mais des drames héroïques." Quels arguments pourriez-vous avancer pour soutenir ou contester cette opinion ?
- Arguments pour : Issue souvent moins sombre, glorification du héros, dimension politique forte, victoire possible de la volonté.
- Arguments contre : Presence d'un destin contraire (ex: l'amour vs l'honneur), issue parfois malheureuse (Suréna), structure respectueuse des règles de la tragédie.
On dit souvent que le conflit cornélien est un conflit entre le Devoir et la Passion. Cette grille de lecture est-elle suffisante pour analyser Cinna ou Polyeucte ?
- Piste : Dans Polyeucte, il s'agit moins d'un devoir social que d'une foi religieuse. Dans Cinna, le devoir (envers Auguste) est d'abord un choix politique et moral personnel. La notion de "devoir" est donc plus complexe.

Questions de Synthèse et d'Évaluation

En quoi la tragédie cornélienne est-elle le reflet des préoccupations politiques et morales de son temps (la montée de l'absolutisme sous Louis XIV, la prééminence de la raison) ?
- Attendu : Une synthèse montrant comment l'ordre, la clémence du prince (Auguste dans Cinna), le sacrifice de l'individu pour la collectivité, et le triomphe de la volonté raisonnable sur les passions répondent à l'idéal de la société classique.
Synthétisez en quoi la vision cornélienne de l'homme s'oppose à la vision janséniste (défendue par Racine) qui domine une partie du siècle.
- Attendu : Opposer la liberté du héros cornélien, qui croit au libre-arbitre et à sa capacité à forger son destin, à la fatalité qui accable les héros raciniens, prisonniers de leurs passions dans un monde où la grâce est refusée (vision janséniste).

Conseils pour la Réussite

Citez le texte ! Appuyez toujours vos arguments sur des citations précises (tirade, vers célèbre).
Connaissez le contexte : La Fronde, l'absolutisme, les salons, la Querelle du Cid.
Maîtrisez le vocabulaire : Héroïsme, dilemme, conflit, gloire, honneur, générosité (au sens cornélien : grandeur d'âme), raison, passion, catharsis.
Ne résumez pas l'intrigue : Analysez-la. Partez toujours d'un élément précis pour développer une idée.
Structurez votre propos : Thèse, arguments, exemples, conclusion.

Résumé

La tragédie cornélienne se distingue par sa mise en scène de héros d'exception aux prises avec des dilemmes moraux insurmontables (devoir vs amour, honneur vs passion). Contrairement à la vision fataliste de Racine, Corneille célèbre le libre-arbitre et la capacité de l'homme à se sublimer par un acte de volonté héroïque, même au prix de son bonheur personnel. Profondément ancrée dans l'idéal politique et moral du Grand Siècle, son œuvre explore les tensions entre l'individu et l'État, la passion et la raison, pour finalement exalter la grandeur de l'être humain.

Examen Modèle avec Corrigé

Sujet : En quoi peut-on dire que le héros cornélien est maître de son destin ?

Corrigé type (Plan détaillé)

Introduction :

Accroche : Évoquer le mythe du "héros" cornélien, souvent résumé par la formule "Je suis maître de moi comme de l'univers" (Cinna).
Présentation du sujet : Si la tragédie suppose souvent un destin auquel on ne peut échapper (fatalité antique), Corneille propose une vision différente. Son héros semble conquérir sa liberté par un choix délibéré.
Problématique : Comment, dans un cadre tragique, le personnage cornélien parvient-il à affirmer sa maîtrise ? Cette maîtrise est-elle absolue ou ambigüe ?
Annonce du plan : Nous verrons d'abord que le héros se construit par un choix déchirant mais libre (I), puis que cette victoire sur soi a pour but de maîtriser son image et son destin dans l'Histoire (II), avant de nuancer cette vision en montrant les limites et le prix de cette maîtrise (III).

I. Le choix délibéré : l'acte de volonté qui fonde le héros

A. Le dilemme cornélien : Situation où deux valeurs également légitimes s'affrontent (ex: Amour vs Honneur dans Le Cid). Ce n'est pas un destin imposé, mais un choix à faire.
B. La décision raisonnée : Le héros pèse le pour et le contre dans une célèbre tirade de délibération (ex: la tirade de Rodrigue "Percé jusques au fond du cœur"). La raison guide son choix vers le Devoir / la Gloire.
C. L'action : Contrairement aux héros raciniens qui subissent, le héros cornélien agit immédiatement après sa décision (Rodrigue va combattre les Maures).

II. La quête de la gloire : maîtriser son image et l'Histoire

A. Un projet conscient : Le héros veut laisser une trace dans l'Histoire. Il agit pour la "gloire", c'est-à-dire la renommée et l'estime de la postérité.
B. La théâtralisation de soi : Il se met en scène, énonce ses actes et ses motivations dans de longues tirades, contrôlant ainsi l'image qu'il donne de lui-même.
C. Un destin choisi : Il ne fuit pas son sort, il le provoque et le revendique. Il préfère une mort glorieuse à une vie obscure. Son destin est donc l'aboutissement de son choix, non une punition.

III. Les limites de la maîtrise : le prix de l'héroïsme

A. Une victoire à sens unique : Le héros maîtrise ses actions, mais pas nécessairement leurs conséquences ni les sentiments des autres. Il gagne sa gloire mais perd souvent son bonheur (Rodrigue gagne la bataille mais risque de perdre Chimène).
B. Le coût humain : La maîtrise de soi demande une violence contre sa nature et ses affections. Le héros est souvent un être déchiré et solitaire.
C. Le rôle du politique et du divin : Dans certaines pièces, le dénouement heureux dépend de la clémence du prince (Auguste dans Cinna) ou de la Grâce divine (Polyeucte). La maîtrise du héros a besoin d'être reconnue et validée par une autorité supérieure.

Conclusion :

Synthèse : Le héros cornélien est bien "maître de son destin" dans la mesure où il fait un choix libre, assume ses actes et cherche délibérément à sculpteur sa propre légende. C'est un entrepreneur de sa propre gloire.
Ouverture : Cependant, cette maîtrise est partielle et coûteuse. Elle pose la question de la modernité de Corneille : son héros est-il un modèle d'affirmation de soi ou le représentant d'un idéal collectif dépassé ? Le débat reste ouvert.