Article : Maîtriser la Critique et la Rédaction Académique en Linguistique
Public visé : Étudiants de première année universitaire en Sciences du Langage, Lettres, ou toute filière comportant un cours de "Grammaire et Orthographe pour l'Université".
Introduction
Le passage du lycée à l'université représente un saut méthodologique significatif. On ne vous demande plus seulement de restituer des connaissances, mais de les interroger, de les confronter et de construire un discours argumenté et irréprochable sur le plan formel. Cet article vous guide au travers des différents types de questions que vous rencontrerez et vous fournit des outils pour y répondre avec rigueur, en intégrant les exigences de la grammaire et de l'orthographe universitaires.
1. Questions et Réponses (Knowledge / Comprehension)
Il s'agit du niveau le plus basique, qui vérifie l'acquisition des concepts fondamentaux.
Exemple de Question : « Définissez la notion de *déictique_ » ou « Quelle est la différence entre phonétique et phonologie ? »
Comment y répondre ?
Précision : Utilisez la terminologie exacte apprise en cours.
Concision : Allez à l'essentiel. Une définition claire et une phrase d'exemple valent mieux qu'un paragraphe vague.
Orthographe exigeante : Une faute dans un terme technique (ex: écrire "déictique") est souvent lourdement sanctionnée.
2. Questions de Critique et d'Évaluation d'Opinion (Evaluation)
Ici, on vous demande de porter un jugement raisonné sur un propos, une théorie ou un choix linguistique.
Exemple de Question : « Certains affirment que la réforme de l'orthographe de 1990 dénature la langue. Partagez-vous ce point de vue ? »
Comment y répondre ?
Exposition neutre : Présentez d'abord les arguments des deux camps de manière objective.
Prise de position personnelle et argumentée : Utilisez des formules comme « Je pense que... », « Il me semble que... car... ». Évitez le « Je trouve que » trop subjectif.
Justification par des critères objectifs : Appuyez-vous sur des arguments linguistiques (historiques, structurels, sociaux) plutôt que sur un simple goût personnel.
Mauvais argument : « Je n'aime pas, c'est moche. »
Bon argument : « Cette simplification peut favoriser l'apprentissage de la lecture sans nuire à l'étymologie, comme le montre l'exemple de [mot X]. »
3. Questions d'Analyse d'Opinion et d'Arguments (Analysis)
Vous devez décomposer un texte argumentatif pour en comprendre la structure et les procédés.
Exemple de Question : « Analysez les stratégies argumentatives utilisées par l'auteur de ce texte pour défendre l'enseignement du latin. »
Comment y répondre ?
Repérage : Identifiez la thèse centrale, les arguments principaux (ex: l'argument culturel, cognitif, historique) et les exemples qui les étayent.
Catégorisation : Nommez les procédés utilisés (appel à l'autorité, analogie, contre-argumentation, etc.).
Explication : Expliquez comment chaque procédé fonctionne et quel est son effet sur le lecteur. « L'auteur utilise une analogie entre la langue et une maison pour rendre son argument plus concret et mémorable. »
4. Questions de Synthèse et d'Évaluation (Synthesis / Evaluation)
C'est l'exercice le plus complet : il faut créer du nouveau sens à partir de plusieurs sources.
Exemple de Question : « En vous appuyant sur les textes A, B et C de votre corpus, rédigez une synthèse argumentée sur les enjeux de la féminisation des noms de métiers. »
Comment y répondre ?
Lecture croisée : Confrontez les points de vue des différents auteurs. Cherchez les points d'accord, de désaccord et les complémentarités.
Structuration thématique : N'analysez pas les textes l'un après l'autre. Organisez votre réponse en parties thématiques (ex: I. Les enjeux historiques, II. Les résistances sociales, III. Les solutions linguistiques).
Citation et reformulation : Citez précisément les auteurs (ex: « Comme le souligne Dupont (texte A), "...citation..." ») et reformulez leurs idées avec vos propres mots.
Conclusion évaluative : Terminez par un paragraphe qui dresse un bilan et ouvre sur une perspective personnelle informée.
5. Conseils Généraux pour la Rédaction
Planification : Prenez 5-10 minutes pour brouillonner un plan détaillé avant d'écrire.
Style académique : Bannissez le langage familier (« super », « superflou »), les contractions (« c'est » est acceptable, mais pas « y'a ») et les formules trop subjectives.
Phrases : Privilégiez les phrases de longueur moyenne. Évitez les phrases trop longues et alambiquées, sources d'erreurs grammaticales.
Relire ! Consacrez les 5 dernières minutes à une relecture critique axée sur :
L'orthographe lexicale et grammaticale (accords participes passés, conjugaisons).
La ponctuation.
La clarté et la logique de l'enchaînement des idées.
6. Résumé
La réussite en linguistique à l'université repose sur la maîtrise conjointe d'un savoir (les règles grammaticales, les concepts), d'un savoir-faire (analyser, argumenter, synthétiser) et d'un savoir-être (rigueur, précision et esprit critique). Chaque type de question exige une stratégie de réponse spécifique, mais toutes requièrent une expression écrite impeccable, qui est le premier marqueur de votre sérieux académique.
7. Examen Modèle avec Corrigé
Sujet : La place des anglicismes dans la langue française contemporaine.
Corpus :
Texte A (extrait d'un article conservateur) : « L'invasion des anglicismes, du "fake news" au "hashtag", est une paresse linguistique qui appauvrit notre langue et notre culture. »
Texte B (extrait d'un linguiste) : « Les emprunts linguistiques sont un phénomène naturel et constant. Le français est lui-même riche de mots empruntés au latin, au grec, à l'italien ou à l'arabe. Ils comblent des lacunes lexicales. »
Texte C (extrait d'un blog technologique) : « Dans le domaine du numérique, les anglicismes sont indispensables car ils permettent une communication internationale instantanée. "Bug" ou "cloud" n'ont pas d'équivalent français aussi efficace. »
Questions :
(Connaissance) Définissez en une phrase ce qu'est un anglicisme. (1 point)
(Analyse) Analysez l'argumentation du Texte A. Quel est le procédé rhétorique principal utilisé ? (2 points)
(Synthèse & Évaluation) En confrontant les textes du corpus, rédigez un paragraphe argumenté d'une quinzaine de lignes présentant les principaux arguments pour et contre les anglicismes. (7 points)
Corrigé Type (Extraits)
1. (Connaissance)
Un anglicisme est un emprunt linguistique à la langue anglaise, qui peut concerner le lexique (un mot, ex: "leader"), la syntaxe (une construction, ex: "être en charge de" calqué de "to be in charge of") ou la sémantique (un sens, ex: "réaliser" pour "se rendre compte").
2. (Analyse)
L'auteur du Texte A utilise principalement une argumentation par les émotions (pathos) et une métaphore guerrière. Le terme "invasion" suggère une agression et une passivité des francophones, créant un sentiment de menace. Les mots "paresse" et "appauvrit" visent à provoquer une réaction négative et un sentiment de culpabilité chez le lecteur, plutôt que de présenter une analyse objective du phénomène.
3. (Synthèse & Évaluation)
[(Accroche)] La question des anglicismes divise régulièrement le paysage linguistique français... [(Thèse)] Si leurs détracteurs y voient une menace, leurs défenseurs les considèrent comme un enrichissement naturel.
[(Arguments contre)] D'un côté, les critiques, comme l'auteur du Texte A, dénoncent un affaiblissement de la langue et de la créativité francophone. Ils pointent un risque de perte d'identité culturelle et une soumission à l'hégémonie culturelle anglo-saxonne. La paresse à trouver des équivalents français est souvent invoquée.
[(Arguments pour)] De l'autre, les linguistes, à l'image du Texte B, rappellent que l'emprunt est un processus historique normal et que le français s'est toujours nourri d'influences externes. Par ailleurs, comme le souligne le Texte C, les anglicismes sont souvent fonctionnels, surtout dans les domaines technologiques où ils comblent un vide lexical ("streaming") et assurent une intercompréhension internationale.
[(Évaluation/Bilan)] Il semble donc réducteur de considérer les anglicismes uniquement comme une menace. Le véritable enjeu réside peut-être moins dans leur exclusion pure que dans la recherche d'un équilibre : accepter les emprunts utiles et indispensables tout en favorisant la création lexicale en français pour les concepts nouveaux, comme le fait l'Académie française avec des termes comme "courriel" ou "mot-dièse".

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